| La présente loi a pour objet la mise en œuvre de la Convention du 3 décembre 1997 signée à Ottawa sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Source : J.O.RDC., 15 juillet 2011, n° 14, col. 14 | Date : 9 juillet 2011 | Etat : en vigueur
— Exposé des motifs
Au début des années 90, dans presque toutes les situations où elles étaient utilisées, les mines antipersonnel avaient provoqué des conséquences graves, sur les plans humain, sanitaire, économique et social. Cette situation avait poussé le Comité international de la Croix-Rouge de déclarer, en termes médicaux, que les mines antipersonnel avaient créé une « épidémie » d’une exceptionnelle gravité.
Conscients des souffrances et dommages causés par les mines et les résidus explosifs de guerre, particulièrement sur les civils, plusieurs Gouvernements, conduits par le Canada, entamèrent en 1996 un processus qui déboucha, en 1997, à la signature du Traité d’Ottawa relatif à la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Ce Traité a pour but d’alléger ces souffrances et de protéger les civils.
Pour répondre à cette obligation internationale et compte tenu de sa situation spécifique due aux récurrents conflits armés, la République démocratique du Congo a déposé, en date du 2 mai 2002 auprès du secrétariat général des Nations unies, son instrument d ’adhésion à ladite Convention.
Celle-ci est entrée en vigueur à l’égard de la République démocratique du Congo le 1er novembre 2002, soit le premier jour du sixième mois suivant la date de dépôt de l’instrument d’adhésion conformément à l’article 17 de la Convention.
Néanmoins, aux termes de son article 5, le délai butoir à l’endroit de la République démocratique du Congo pour la destruction de toutes les mines antipersonnel est fixé au 1er novembre 2012.
En sa qualité d’État-Partie et dans le cadre de la mise en œuvre de ladite Convention, la République démocratique du Congo prend la présente loi pour lui permettre d’assumer ses responsabilités face aux conséquences humanitaires, socio-économiques et environnementales causées par ces engins. Ceci étant, elle est tenue de:
– poursuivre et punir les personnes engagées dans des activités interdites par la Convention;
– soumettre chaque année au secrétaire général des Nations unies un rapport sur les mesures prises pour honorer les engagements découlant du Traité;
– coopérer avec les autres États Parties pour faciliter le respect de la Convention, y compris en coopérant à des missions d’établissement des faits chargées de recueillir des informations sur le respect de la Convention.
De manière spécifique, la présente loi met un accent sur l’assistance aux victimes des mines antipersonnel.
Elle comprend 8 chapitres, à savoir:
– Chapitre I: De l’objet et des définitions;
– Chapitre II: Des dispositions générales;
– Chapitre III: De la destruction des mines antipersonnel;
– Chapitre IV: Des missions d’établissement des faits;
– Chapitre V: De l’assistance aux victimes;
– Chapitre VI: Des structures nationales de lutte antimines;
– Chapitre VII: Des sanctions;
– Chapitre VIII: Des dispositions transitoires et finales.
Telle est l’économie générale de la présente loi.
— loi
L’Assemblée nationale et le Sénat ont adopté;
Le président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:
Chapitre 1er : De l’objet et des définitions
Article. 1er.
La présente loi a pour objet la mise en œuvre de la Convention du 3 décembre 1997 signée à Ottawa sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction.
Elle vise l’élimination des mines antipersonnel sur le territoire national.
Article. 2.
Au sens de la présente loi, on entend par:
1. assistance aux victimes: aide, secours, réconfort et appui accordés aux victimes (y compris les survivants) pour réduire les conséquences médicales et psychologiques immédiates et à long terme de leur traumatisme;
2. dispositif anti manipulation: dispositif destiné à protéger une mine et qui fait partie de celle-ci, est relié à celle-ci, attaché à celle-ci ou placé sous celle-ci et qui se déclenche en cas de tentative de manipulation ou de désamorçage de la mine;
3. lutte antimines: activités visant à réduire les incidences sociales, économiques et écologiques des mines et des engins non explosés;
4. mine: munition conçue pour être placée sous, sur ou à proximité du sol ou d’une autre surface et censée exploser en présence, à proximité ou au contact d’une personne ou d’un véhicule;
5. mine antipersonnel: mine conçue pour exploser en présence, à proximité ou au contact d’une personne afin de handicaper, de blesser ou de tuer une ou plusieurs personnes;
6. munition explosive abandonnée: une munition qui n’a pas été employée dans un conflit armé, qui a été laissée derrière soi ou jetée par une partie à un conflit armé et qui ne se trouve plus sous le contrôle de la partie qui l’a laissée derrière soi ou jetée. Une munition explosive abandonnée a pu être amorcée, munie d’une fusée, armée ou préparée de quelque autre manière pour être employée;
7. munition non explosée: une munition explosive qui a été amorcée, munie d’une fusée, armée ou préparée de quelque autre manière pour être employée dans un conflit armé, et qui a été employée dans un conflit armé; elle a pu être tirée, larguée, lancée ou projetée et aurait dû exploser mais ne l’a pas été;
8. normes internationales de lutte antimines: documents élaborés par l’Onu au nom de la Communauté internationale, visant à améliorer la sécurité et à accroître l’efficacité de la lutte antimines en proposant une orientation, en établissant des principes et, dans certains cas, en définissant des exigences et des spécifications internationales;
9. restes explosifs de guerre: munitions non explosées et munitions explosives abandonnées;
10. transfert: outre le retrait matériel des mines antipersonnel du territoire d’un État ou leur introduction matérielle dans celui d’un autre État, le transfert du droit de propriété et du contrôle sur ces mines, mais non la cession d’un territoire sur lequel des mines antipersonnel ont été mises en place;
11. zone minée: zone dangereuse en raison de la présence avérée ou soupçonnée de mines.
Chapitre II : Des dispositions générales
Article. 3.
La mise au point, la fabrication, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation, l’offre, la cession, l’importation, l’exportation, le transfert et l’emploi des mines antipersonnel sont interdits sur le territoire national.
Il en est de même des pièces détachées et des éléments d’assemblage de mines antipersonnel.
Article. 4.
Il est interdit d’assister, d’encourager ou d’inciter de quelque manière quiconque à s’engager dans les activités énumérées à l’article 3 de la présente loi.
Article. 5.
Nonobstant les dispositions de l’article 3 ci-haut, sont permis la conservation ou le transfert par l’État d’un certain nombre de mines antipersonnel pour la mise au point de techniques de détection, de déminage ou de destruction et pour la formation à ces techniques.
Le ministre ayant la défense dans ses attributions détermine le nombre maximum de mines antipersonnel qui peuvent être conservées ou transférées et ne pouvant excéder le minimum absolument nécessaire à ces fins.
Article. 6.
Tout détenteur de mines antipersonnel déclare auprès du service compétent du ministère en charge de la protection civile:
a) les types et quantités et, si possible, les numéros de lots de toutes les mines antipersonnel conservées ou transférées pour la mise au point de techniques de détection et pour la formation à ces techniques;
b) les types et quantités et, si possible, les numéros de lots de toutes les mines antipersonnel transférées dans un but de destruction.
Article. 7.
Le Gouvernement établit un rapport annuel conformément à l’article 7 de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel. Il le transmet par voie diplomatique au secrétaire général des Nations unies, au plus tard le 30 avril de l’année suivante.
Ce rapport reprend notamment:
a) l’état des programmes de destruction des stocks de mines antipersonnel, y compris des précisions sur les méthodes à utiliser pour la destruction, la localisation de tous les lieux de destruction de l’environnement;
b) les types et quantités de toutes les mines antipersonnel détruites après le 1er novembre 2002, y compris une ventilation de la quantité de chaque type de même que, si possible, les numéros de lots;
c) les installations autorisées à conserver ou à transférer les mines antipersonnel à des fins de destruction ou pour la mise au point de techniques de détection des mines antipersonnel, de déminage ou de destruction des mines antipersonnel et pour la formation à ces techniques;
d) l’état des programmes de reconversion ou de mise hors service des installations de production des mines antipersonnel y compris les précisions sur les méthodes à utiliser.
Chapitre III : De la destruction des mines antipersonnel
Ariclet. 8.
Sous réserve des dispositions de l’article 5, l’État procède à la destruction de tous les stocks des mines antipersonnel dont il est soit propriétaire, soit détenteur ou qui sont sous juridiction nationale ou sous son contrôle.
Article. 9.
Le ministère en charge de la protection civile identifie toutes les zones où la présence des mines antipersonnel est avérée ou soupçonnée.
Il procède au marquage desdites zones suivant les normes prescrites par le Protocole sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines afin d’empêcher les civils d’y pénétrer.
Il établit un rapport incluant la localisation du site, le maximum de précisions possible sur le type et la quantité de chaque type de mines antipersonnel et la date de leur mise en place.
Article. 10.
Le ministère en charge de la protection civile veille à la destruction des mines antipersonnel se trouvant dans les zones minées sous la juridiction ou le contrôle de l’État congolais, dans le délai et selon les modalités prescrites par l’article 5 points 1 et 3 du Traité d’Ottawa.
Article. 11.
Les opérations d’identification et de marquage des zones minées ainsi que la destruction des mines antipersonnel visées aux articles 9 et 10 peuvent être confiées à des organismes et/ ou à des personnes agréées.
Un décret délibéré en Conseil des ministres fixe les conditions et modalités de leur agrément.
Chapitre IV : Des missions d’établissement des faits
Article. 12.
Sur son invitation ou si l’assemblée des États-Parties au traité autorise l’envoi d’une mission d’établissement des faits, la République démocratique du Congo la reçoit conformément aux conditions prévues à l’article 8 du Traité d’Ottawa de 1997.
Les membres de la mission désignés par le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies et qui n’auront pas été récusés par la République démocratique du Congo, ont accès à toutes les zones, installations ou établissements situés sur le territoire national où il pourrait être possible de recueillir des faits pertinents relatifs au cas de non-respect présumé la motivant.
L’accès à ces sites est assujetti aux mesures que l’État jugera nécessaire d’édicter.
Les membres de la mission peuvent s’entretenir avec toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les cas de non respects présumés.
Article. 13.
À l’occasion de chaque mission d’établissement des faits, le Gouvernement de la République désigne une équipe d’accompagnement.
Celle-ci vérifie le mandat d’inspection et veille à sa bonne exécution.
Article. 14.
Pour l’exécution de leur mission, les inspecteurs disposent des pouvoirs et jouissent des privilèges et immunités prévus à l’article VI de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies, adoptée le 13 février 1946.
Article. 15.
Lorsque le lieu soumis à inspection dépend d’une personne publique autre que l’État, l’autorisation d’accès est donnée par l’autorité politique ou administrative compétente du lieu.
Si la mission d’établissement des faits porte sur un lieu dont l’accès, pour tout ou partie de la zone spécifiée, dépend d’une personne privée, le chef de l’équipe d’accompagnement avise de cette demande la personne ayant qualité pour autoriser l’accès à ce lieu.
En cas de refus ou d’absence de la personne habilité à donner l’autorisation d’inspecter un lieu, le président du tribunal de grande instance du ressort ou son délégué peut en autoriser l’accès par ordonnance.
Article. 16.
Lorsque la mission d’établissement des faits demande l’accès à des zones, locaux, documents, données ou informations ayant un caractère confidentiel ou privé, le chef de l’équipe d’accompagnement, le cas échéant à la demande de la personne concernée, informe par écrit le chef de la mission d’établissement des faits du caractère confidentiel ou privé susmentionné.
Le chef de l’équipe d’accompagnement prend toutes dispositions qu’il estime nécessaires à la protection de la confidentialité et du secret relatif aux zones, locaux, documents, données ou informations concernées ainsi que des droits de la personne.
Chapitre V : De l’assistance aux victimes de mines antipersonnel
Article. 17.
Sans préjudice des dispositions prévues en faveur des personnes vivant avec handicap, l’État garantit aux victimes des mines antipersonnel une protection en rapport avec leurs besoins physiques et intellectuels.
Il leur fournit tous les moyens nécessaires et disponibles pour assurer leur réadaptation physique et faciliter leur réinsertion sociale et économique.
Article. 18.
Les soins de santé pour les victimes des mines antipersonnel sont à charge de l’État dans les formations médicales tant publiques que privées.
Un arrêté du ministre ayant la santé dans ses attributions en fixe les modalités d’application.
Article. 19.
Les prothèses et tout artifice nécessaire pour la réadaptation physique des victimes sont à charge du trésor public.
Un arrêté du ministre ayant la santé dans ses attributions en fixe les modalités d’application.
Article. 20.
Toute entreprise qui utilise des victimes de mines antipersonnel est exemptée du double de leur impôt professionnel sur le revenu à concurrence d’un maximum de 30 % de son impôt sur le bénéfice.
Chapitre VI : Des structures nationales de lutte antimines
Article. 21.
Les structures nationales de lutte antimines sont:
a) la commission nationale de lutte contre les mines antipersonnel;
b) le centre congolais de lutte antimines
Elles sont financées par dotation budgétaire et par des dons de toutes sources.
Article. 22.
La commission nationale de lutte contre les mines antipersonnel est chargée de la mise en œuvre du Traité d’Ottawa et d’assurer le suivi de l’application de la présente loi.
Article. 23.
Le centre national de lutte antimines est le point central pour la coordination des activités de lutte antimines sur le territoire national. Il agit sous l’autorité de la commission nationale.
Article. 24.
La commission nationale de lutte contre les mines antipersonnel est composée des membres désignés comme suit:
a) le Parlement: deux députés nationaux et deux sénateurs;
b) le Gouvernement: quatre ministres:
– le ministre de le Défense;
– le ministre de l’Intérieur;
– le ministre de la Santé;
– le ministre ayant l’action humanitaire dans ses attributions;
c) la société civile: cinq membres œuvrant dans le cadre de la lutte antimines.
Elle peut faire recours de manière permanente ou temporaire, conformément aux dispositions de son règlement intérieur, à toute personnalité qualifiée dont l’expertise est jugée utile ainsi qu’à toute organisation nationale ou internationale accréditée conformément aux dispositions de l’article 11 de la présente loi.
Article. 25.
Un décret délibéré en Conseil des ministres fixe les modalités d’application des articles 21 à 23.
Chapitre VII : Des sanctions
Article. 26.
Sous réserve des dispositions de l’article 5 de la présente loi, toute violation aux prescrits des articles 3 et 4 est punie d’une servitude pénale de dix ans et d’une amende de dix millions à vingt millions de francs congolais ou de l’une de ces peines seulement.
Lorsque l’infraction est le fait d’une personne morale, la peine encourue est de dix millions à vingt millions de francs congolais d’amende.
Article. 27.
Pour les infractions prévues à l’article précédent, le juge prononce les peines complémentaires suivantes:
a) l’interdiction d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise;
b) la confiscation et la destruction des mines antipersonnel, des éléments d’assemblage ou des pièces détachées en possession ou sous contrôle des personnes physiques ou morales.
Article. 28.
Quiconque s’oppose ou fait obstacle aux procédures d’établissement des faits est puni d’une servitude pénale de six mois à un an et d’une amende de vingt millions de francs congolais ou de l’une de ces peines seulement.
Lorsque l’infraction est le fait d’une personne morale, la peine encourue est de cinq millions à dix millions de francs congolais d’amende.
Chapitre VIII : Des dispositions transitoires et finales
Article. 29.
Toute personne physique ou morale produisant des mines antipersonnel, des pièces détachées ou des éléments d’assemblage visés à l’article 3, doit arrêter toute production dès l’entrée en vigueur de la présente loi.
Article. 30.
Toute personne, autre que le Gouvernement ou une administration publique compétente produisant ou possédant des mines antipersonnel, des pièces détachées ou des éléments d’assemblage visés à l’article 3, notifie sans délai, le ministère de la Défense et celui en charge de la protection civile du stock total incluant une ventilation par type, quantité et, si possible, par numéro de lot pour chaque type de mines antipersonnel stockées.
Article. 31.
Toute personne définie à l’article précédent est tenue de livrer dans le plus bref délai aux services compétents du ministère en charge de la protection civile, les mines antipersonnel, les pièces détachées et les éléments d’assemblage possédés en violation de l’article 3 de la présente loi en vue de leur destruction.
Article. 32.
La présente loi entre en vigueur à la date de sa promulgation.
Fait à Kisangani, le 9 juillet 2011.
Joseph Kabila Kabange